« Semo », la « graine » en Esperanto !

janvier 26, 2020 0 Par Nathanaelle Chavot

Que sont les semences ? Pourquoi sont-elles en danger ? Se pourrait-il que nous perdions définitivement ce patrimoine commun ?
Explorons l’aspect législatif de ce sujet aux enjeux si importants, alors que depuis le début du XXe siècle, plus de 75% de la diversité alimentaire a déjà disparu selon la FAO (Food and Agriculture Organisation).

Après la Seconde Guerre Mondiale, les variétés paysannes jugées trop hétérogènes et à faibles rendements ont été progressivement évincées du catalogue et remplacées par des « variétés élites » (lignées pures, hybrides F1).

Aujourd’hui, des paysans resistent pour préserver les semences naturelles face aux pratiques des grandes multinationales : L’industrie semencière, avec la technique dite des hybrides F1, choisit des plantes adaptées à l’agriculture mécanisée, aux intrants chimiques et aux longs transports pour la distribution, au détriment de leur valeur nutritive et gustative. Surtout, l’agriculture de notre époque devient complètement dépendante des semenciers et du catalogue du GNIS. 

La réglementation française en matière de semences est assez complexe. Mais essayons d’éclaircir cela :
Le Catalogue Officiel des espèces et variétés de plantes cultivées contrôle la production des semences. Pour qu’une variété y soit inscrite, elle doit satisfaire des conditions et passer avec succès des tests de qualité réalisés par un groupement d’intérêt public : le Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés Et des Semences, le GEVES. Sans ce précieux sésame, sa mise sur le marché est interdite. Les conditions d’inscription dans ce catalogue sont prévues pour favoriser les filières longues et industrielles et désavantagent les petits producteurs, les droits étant très élevés pour la plupart.

  • Distinction : la variété doit se distinguer de celles déjà inscrites
  • Homogénéité : la variété est composée de plantes semblables pour les caractéristiques d’identification retenues
  • Stabilité : la variété reproduit les mêmes caractéristiques chaque fois que l’on utilise les semences mises sur le marché.

Ce sont les trois critères de séléction qui rendent quasi impossible l’inscription des variétés paysannes parce qu’elles sont souvent peu homogènes ou peu stables pour préserver leurs possibilités d’adaptation et d’évolution.

À ceux ci s’ajoute la condition de “Valeur agronomique et technologique” ou VAT, c’est-à-dire que la semence doit garantir un rendement égal ou supérieur aux variétés déjà inscrites. Cette condition limite ainsi l’agriculture biologique sans intrants chimiques qui présente une VAT moins élevée. Pour ce qui est du coût, le montant de l’inscription s’élève à plus de 6 000€ pour une variété de céréale et le maintien au catalogue est de plus de 2 000€ pour les 10 premières années.

L’ensemble de ces critères, en excluant de ce fait les variétés paysannes, les empêche donc d’être commercialisées, ce qui a provoqué au fil du temps, une importante érosion des variétés anciennes, et par voie de conséquence, un appauvrissement dramatique de la biodiversité cultivée.

La lutte contre l’accaparement du vivant par de grands groupes privés a été mis en avant par le dernier numéro de Cash Investigation, mais la législation française interdit toujours de donner, échanger ou vendre une semence de variété non-inscrite au catalogue officiel des semences à une personne qui en fera un usage commercial. 

Mais, rien n’interdit aux agriculteurs de sélectionner et de multiplier eux-mêmes leurs semences de variétés non-inscrites au catalogue, de les cultiver et de vendre les récoltes qui en sont issues.

Avec l’entraide agricole, légiféré dans un article du code rural, un paysan peut échanger un service avec un autre paysan, comme des semences contre un coup de main à la ferme. De la même façon, si on donne des semences à un paysan avec un certificat pour faire de la recherche, c’est autorisé même si elles ne sont pas inscrites au catalogue. Et dès qu’un paysan les multiplie, l’année d’après elles deviennent ses graines qu’il aura produites lui-même. Et il pourra donc les utiliser comme il veut. 

En réalisant leurs propres semences, les paysans peuvent bénéficier d’un modèle économique plus rentable. Ils ne dépensent pas d’argent pour acheter des semences à l’extérieur et cultivent des variétés adaptées aux conditions climatiques locales et à leurs sols, qui sont tout aussi productives que des semences développées en laboratoire.

Comment allier production et distribution des semences ? Comment sensibiliser le public aux enjeux qu’elles représentent ? Comment préserver la diversité ?

En ce qui me concerne, c’est avant tout une histoire d’engagement pour la conservation du vivant, pour ne pas qu’il s’effrite et se perde. Conserver la graine, en produisant, en multipliant, et en diffusant, chez moi par exemple, le goût de la diversité est au centre de la production.

J’espère que cette histoire puisse continuer de s’écrire encore chaque jour, car les conteurs qui racontent le récit des semences libres sont attachés à un savoir-faire séculaire et artisanal, et nous en sommes les garants, chacun d’entre nous, semenciers, agriculteurs, jardiniers et consommateurs !

Nathanaëlle chavot